Historique des jeux d’argent et de hasard

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Par Raymond Viger

Dossier Politique

Les loteries et courses auront eu toute une épopée dans nos vies. Même si les jeux de cartes et les paris entre amis ou avec des instances mafieuses existent depuis la nuit des temps, le jeu sous ses différentes facettes est beaucoup plus jeune au Québec.

En 1829, le canal Welland, servant à relier les lacs Érié et Ontario, a bénéficié d’une loterie pour boucler son financement.

La règlementation canadienne concernant le jeu est devenue de plus en plus restrictive jusqu’en 1892. Mis à part des loteries d’objets de petite valeur à des fins charitables, le Code criminel bannit complètement les jeux. Tout comme la prohibition a stimulé des opérations illicites, le jeu devient une nouvelle source de financement pour les groupes criminalisés.

Montréal devient vite une plaque tournante du jeu illégal. Des liens serrés se créent entre les mafias montréalaise et new-yorkaise. Vers 1950, Montréal est la troisième ville en importance pour le jeu et les paris en Amérique du Nord, après Las Vegas et New York.

Montréal regorgeait de preneurs de paris, mieux connus sous leur nom anglophone de bookmaker. Des paris illicites étaient contrôlés par des groupes criminels qui offraient même le ramassage des paris à domicile. En effet, ils prenaient les paris des bons clients, bien connus de la boîte, par téléphone sans qu’ils n’aient à se déplacer.

Il y a aussi eu la période des machines à sous dans certains établissements. Vous ne jouiez pas à l’argent. Vous vous amusiez à essayer de gagner. Supposément un jeu ludique. Mais quand vous aviez terminé, les crédits accumulés vous étaient remboursés en argent. Une façon de contourner les règlements sur les jeux de hasard tout en les affichant publiquement.

Évidemment, derrière cette façon de faire nous retrouvions, encore une fois, les groupes criminalisés.

Les paris sportifs gérés par les groupes criminalisés ouvraient la porte à certaines fraudes. Plusieurs combats de boxe et autres activités sportives ont été truqués, laissant les groupes criminalisés empocher plus d’argent.

Pax et la criminalité

À cette époque, l’avocat et adjoint de la police, Pacifique « Pax » Plante estime à 250 le nombre d’endroits pour parier illégalement à Montréal. Contrairement à la prostitution, ces maisons étaient dispersées dans tout Montréal pour mieux rejoindre leur clientèle ; au travail, près des usines et même dans les quartiers résidentiels !

Tous les sports sont des prétextes au jeu. La population était cependant ambivalente sur certaines des incohérences reliées à la gestion du jeu. Par exemple, pourquoi était-il permis de parier à Blue Bonnets, mais pas avec un preneur de paris ?

Plusieurs argumentent qu’en plus des dangers sociaux reliés au jeu (jeu compulsif, ruine de familles ouvrières…), ils profitaient du crime organisé. En 1945, des journalistes calculent que dans certaines maisons de jeu du centre-ville, il pouvait se miser près de 75 000 dollars à l’heure, engrangeant d’énormes profits pour la pègre montréalaise. C’est plus d’un million en dollars actuels !

Le jeu pose aussi le problème de la complicité de la police et des autorités politiques. Contrairement à la prostitution qui peut rapidement changer de lieu, l’infrastructure d’une maison servant à parier est plus lourde (téléphones, tableaux, télégraphes…). Le lieu doit demeurer stable. Selon Pax Plante, cette industrie a besoin de la complicité des politiciens et des policiers. Les autorités municipales sont accusées de laxisme et même de complicité.

La loterie de Jean Drapeau

L’idée de légaliser le jeu pour éviter d’engraisser les groupes criminalisés trouve des adeptes tels que le maire Camillien Houde et le premier ministre du Québec Maurice Duplessis dans les années 1930.

Élu à la mairie de Montréal en 1954, Jean Drapeau s’était investi à pourchasser les tenanciers de maisons de jeu et la corruption policière. Bien que le Code criminel canadien fermât la porte à cette solution, Drapeau, mit sur pied sa « taxe volontaire » en 1968 pour financer le déficit du métro et de l’exposition universelle de 1967. Une loterie de 150 000 $ remis en lingots d’or.

Après seulement cinq mois d’opération et 19 tirages, la Cour suprême déclare cette loterie illégale en décembre 1969. Comme par hasard, c’est aussi en décembre 1969 que le gouvernement provincial crée la Société d’exploitation des loteries et courses (Loto-Québec).
En 1972, le fédéral autorise la loterie olympique du Canada qui deviendra Loto-Canada en 1976. Le gouvernement fédéral vient alors concurrencer les provinces, jusqu’en 1979. Il se retire des loteries moyennant une compensation financière des provinces.

En résumé, l’introduction des jeux de hasard et d’argent au Québec aura été un vrai cafouillage. Différentes institutions auront voulu en prendre le contrôle. L’Église, les organismes communautaires, Ville de Montréal, les gouvernements provincial et fédéral. C’est finalement le gouvernement du Québec avec la Régie des alcools, des courses et des jeux ainsi que Loto-Québec qui auront le dernier mot.

Ce texte est un extrait du livre Regard vers le futur, publié aux Éditions TNT.


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Raymond Viger
Raymond Vigerhttps://raymondviger.wordpress.com/
Raymond Viger. Rédacteur en chef du magazine d'information et de sensibilisation Reflet de Société, édité par le groupe communautaire Le Journal de la Rue. Écrivain, journaliste et intervenant. raymondviger.wordpress.com www.refletdesociete.com www.cafegraffiti.net www.editionstnt.com www.survivre.social Courriel: raymondviger@hotmail.com

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